En 2018, la journée internationale des coopératives a été placée sous le signe de la production durable et de la consommation durable. Le thème du Cera Coop Tour 2018 était donc tout trouvé. Le 20 novembre 2018, Cera s'est rendue à Stockholm avec un groupe de personnes actives dans la chaîne agroalimentaire belge. L’Europe du Nord est en effet considérée dans ce secteur comme un moteur en matière de durabilité. Et la Suède compte de nombreuses coopératives inspirantes dans la chaîne agroalimentaire. La destination a donc fait l’unanimité.
Lire notre compte-rendu ci-dessous.
Quand: | 20 - 22 novembre 2018 |
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Info: | infocoop@cera.coop - 016 27 96 88 |
En Suède, l’entrepreneuriat coopératif ne possède pas de statut juridique distinct, mais les entreprises dans lesquelles tous les propriétaires ont une transaction (économique) avec l’entreprise sont considérées comme des coopératives. Les coopératives sont aujourd’hui de nouveau tendance en Suède et beaucoup de celles que nous avons visitées en profitent pour tirer leur épingle du jeu.
Les agriculteurs suédois sont généralement membres de plusieurs coopératives. Ils sont cultivateurs, producteurs laitiers, sylviculteurs... et sont ainsi membres à la fois de l'organisation agricole qui compte parmi ses membres des coopératives agricoles et forestières, d'une coopérative de cultivateurs, d'une coopérative laitière, d'une coopérative forestière... et font probablement aussi partie des millions de coopérants d'une des chaînes de grands magasins coopératifs existantes. Un dirigeant d’entreprise suédois opte pour la coopérative, car il est persuadé que cela renforcera la position de sa petite entreprise sur le marché. Car, quelle que soit la taille de votre entreprise, vous ne restez qu’un petit maillon de la chaîne.
Nous avons visité Svensk Kooperation, récemment fondée par quelques grandes coopératives suédoises dans le but de promouvoir la place de l’entrepreneuriat coopératif dans l’agenda (politique) en misant sur la communication, l’éducation et la défense des intérêts. Svensk Kooperation est la plateforme où se rencontrent diverses coopératives, indépendamment du secteur dans lequel elles opèrent. Il s’agit d’un des rares endroits où les consommateurs et les producteurs peuvent se retrouver pour parler durabilité, en abordant des sujets comme l’économie circulaire, le changement climatique... Des thèmes qui sont également beaucoup discutés en Belgique.
Coompanion, coopérative qui conseille les entreprises qui se lancent dans l’entrepreneuriat coopératif, est surtout active dans la campagne suédoise où l’entrepreneuriat coopératif est considéré comme un moyen d’assurer le renouvellement des générations dans les entreprises (agricoles et forestières) ou de garantir la présence de stations-service et de magasins hors des grandes villes.
La Suède (superficie de 41 millions d'hectares) est un pays où la sylviculture (23 millions d'hectares) est bien plus importante que l'agriculture (3 millions d'hectares). Les personnes actives dans ce secteur ne le sont pas toujours à temps plein. Les travailleurs à temps partiel y sont d’ailleurs plus nombreux qu’en Belgique. L’agriculture et la sylviculture constituent la « force verte » du pays et la production de biomasse est cruciale pour la transition énergétique en Suède. Le transport basé sur le bioéthanol et le chauffage au bois exigent une bonne gestion des forêts et une politique de gestion agricole qui ne perdent jamais de vue la production alimentaire. Avec un taux d'autosuffisance de 50 % (ce qui signifie que la moitié de la nourriture doit être importée), il s’agit d’un enjeu de taille. Après plusieurs années, la Suède vient de replacer la sécurité alimentaire dans son agenda politique. Avec une grande implication des institutions scientifiques, mais aussi des entreprises de l’agro-alimentaire. Lantmännen et LRF, que nous avons également visitées, jouent un rôle actif à cet égard, grâce à leurs 25 000 et 141 000 membres respectivement et à leurs efforts pour accélérer les changements. Les coopératives jouent en effet un rôle de levier pour le changement et donc la durabilité.
Lantmännen est une coopérative qui regroupe 25 000 agriculteurs suédois et qui ne se limite pas à la collecte et au commerce des céréales récoltées. Le point fort de Lantmännen réside dans le fait que les céréales sont transformées dans leurs propres boulangeries. Toute la plus-value revient donc à l'agriculteur. Outre l’agriculture et l’industrie alimentaire, Lantmännen, qui existe depuis plus de cent ans, est aussi active dans le secteur de la construction de machines (via une collaboration avec Volvo) et dans les énergies renouvelables. Les bénéfices qui sont réalisés dans toutes ces branches, ainsi que les investissements effectués dans l’entreprise (la coopérative) reviennent directement aux cultivateurs membres. La clé de répartition est basée sur les transactions que chaque membre individuel a avec Lantmännen.
Lantmännen réalise un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, compte 10 000 travailleurs dans le monde et est active dans 20 pays, avec notamment 3 implantations en Belgique. Mais lorsque l'on entre dans le siège de Lantmännen, tout rappelle la culture suédoise et leur devise : les céréales au cœur de l’activité.
Lantmännen est, aux côtés de 25 autres coopératives agricoles et forestières, membre de LRF, une fédération d’agriculteurs et de sylviculteurs suédois, qui compte 141 000 membres individuels et représente ainsi environ 70 000 entreprises de taille relativement modeste, faisant de LRF la plus importante fédération de petites entreprises. En tant que fédération de l’industrie verte, LRF souhaite jouer un rôle important dans la promotion d’une société durable, dans le respect de la croissance, la rentabilité et l’attractivité.
Le fait que LRF représente à la fois des membres individuels et des coopératives agricoles est dû à une fusion opérée en 1971. Depuis, des members of interest qui ne sont ni agriculteurs ni sylviculteurs, ni coopératives agricoles ou forestières, sont aussi invités à participer aux débats, même s’ils ne possèdent aucun droit de vote. Leur contribution est toutefois très précieuse pour l’élaboration d’une vision en faveur de la société. C’est cela aussi la durabilité.
La production durable ne peut être dissociée de la consommation durable. La manière dont cet enjeu est abordé en Suède nous a été expliquée lors de notre visite chez Coop, une chaîne de supermarchés coopératifs aux mains de 3,5 millions de Suédois. Un tiers de la population suédoise est donc membre de cette coopérative de consommateurs. Créée en 1899, Coop a déjà une longue histoire derrière elle et de grandes réalisations à son actif. Ainsi, Coop Suède (qui avait autrefois un lien avec Coop Danemark et Coop Norvège) a été la première chaîne de supermarchés à instaurer un label d’ingrédients. Coop Suède a aussi introduit en Europe le principe de la pyramide alimentaire inspiré du modèle américain, elle a été la première à imposer une limite d’âge pour la vente de tabac... Beaucoup de ces avancées sont le fruit d’initiatives inspirées par les consommateurs-associés. Ainsi, les consommateurs demandent aujourd’hui aux magasins d’identifier clairement leurs produits bio ou les produits proches de leur date de péremption afin que ceux qui veulent lutter contre le gaspillage alimentaire puissent les acheter à prix réduit.
À la suite de pertes de parts de marché, Coop a récemment procédé à une auto-évaluation en profondeur. La coopérative a voulu réaffiner sa mission, réaffirmer sa spécificité et surtout assurer une meilleure cohésion dans ses magasins rénovés, dans le but de rendre sa marque plus visible. Le magasin que nous avons visité nous a frappés par sa sobriété et sa chaleur. La couleur verte est présente partout pour indiquer ce qui est écologique, la plupart des produits ECO étant des produits biologiques. La part de marché du bio chez Coop est nettement plus importante que dans les autres chaînes.
De toutes les explications qui nous ont été données, nous retiendrons notamment la solidité des structures développées. Les autorités tant locales, régionales (la Suède compte 20 districts) que nationales veillent à ce que les décisions et les positions qui sont prises soient bien étayées. « Confiance » est aussi un mot qui revient constamment dans la bouche de nos interlocuteurs. Sans confiance, il est impossible de bâtir une coopérative solide.
Le mot « transparence » a également été cité à plusieurs reprises. Un véritable défi dans des coopératives et fédérations qui comptent 25 000, 141 000 ou 3,5 millions de membres. Il n’est pas étonnant que, outre un site internet solide et des bulletins d’information électroniques, chaque coopérative que nous avons visitée dispose aussi de son propre pôle médias. La communication avec les membres est en effet cruciale.
Parmi les enseignements tirés de nos nombreuses discussions, nous retiendrons notamment l’idée selon laquelle il est préférable de rédiger les statuts et l’éventuel règlement interne en période de calme. Un message important pour les participants du Cera Coop Tour et, par extension, pour tous les acteurs de l’agroalimentaire en Belgique. Il faut utiliser les périodes où il n’y a pas de crise pour déterminer quelles sont les formes de collaboration possibles sur le long terme en vue de renforcer les entreprises concernées et de créer une situation « win-win » pour toutes les parties. Intégrer de façon structurelle les principes de base de l’entrepreneuriat coopératif permet d’accroître les chances : la priorité doit être mise sur une propriété partagée – où tous les propriétaires ont une relation transactionnelle avec la forme de collaboration/la coopération – et sur la transparence/le contrôle.
Avec son concept du Cera Coop Tour, Cera entend inspirer les gens, les entreprises et les organisations dans les domaines de la collaboration et de l'entrepreneuriat coopératif. Vous retrouverez les initiatives de Cera dans notre calendrier et dans notre newsletter Cera Coop News. Vous pouvez vous abonner à cette newsletter via le lien ci-dessous.